Traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate par la phytothérapie
Définition, causes et symptômes de l’hypertrophie bénigne de la prostate
L’hypertrophie bénigne de la prostate est une augmentation de taille de la prostate par prolifération des cellules prostatiques. C’est une affection fréquente, quasiment inévitable, liée au vieillissement chez l’homme. De caractère bénin, elle altère progressivement l’aisance et le confort de la miction ainsi que les fonctions sexuelles et peut être à l’origine de complications urologiques ou néphrologiques sévères.
L’hypertrophie bénigne de la prostate est la tumeur bénigne la plus fréquente chez l’homme. C’est une pathologie commençant vers l’âge de 40 ans, qui devient fréquente chez l’homme vieillissant pour s’imposer constamment avec le grand âge. La prévalence de cette pathologie croît avec l’âge, passant de 23% chez les 41-50 ans à 82% chez les 71-80 ans.
La principale cause de la survenue de cette pathologie est principalement hormonale. En effet, en se basant sur le constat que l’hypertrophie de la prostate n’existe pas chez les patients castrés avant la puberté ou ceux ayant un déficit en 5α-réductase, on a établit qu’une stimulation androgénique (par le testostérone) est nécessaire pour que l’hypertrophie se fasse. Il faut savoir que la cellule prostatique est capable de conserver des taux endocellulaires élevés de dihydrotestostérone (DHT), un métabolite biologiquement actif de la testostérone, malgré des testostéronémies diminuées avec la vieillesse.
La symptomatologie consiste en une fréquence excessive des mictions. Le patient peut avoir une sensation de vessie non vidée, une sensation de diminution de la force du jet (« urine sur ses chaussures »). Plus rarement, le diagnostic se fait à l’occasion d’une infection urinaire ou pour une consultation pour un problème d’érection.
La prise en charge peut varier d’une simple surveillance clinique jusqu’à l’instauration d’un
traitement médicamenteux voire chirurgical.
Principe de la prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate
La phytothérapie intervient dans un stade d’hypertrophie bénigne de la prostate non chirurgical. Dans un premier temps, on prescrira l’un des produits phytothérapiques majeurs en monothérapie ou en association à une dose efficace. Ces plantes prostatropes agissent principalement grâce à leurs propriétés anti-androgéniques comme le fruit du palmier de Floride, la racine de l’ortie, l’écorce du prunier africain, les pollens de fleur de seigle, les graines de courge, le tubercule de Hypoxis rooperi et la partie aérienne de l’épilobe.
En plus de ces plantes majeurs, on peut selon le terrain du patient, ajouter d’autres plantes anti-inflammatoires et décongestionnants de la zone périnéale comme le gingembre, le cyprès, l’ail, l’oignon. Quand il s’agit d’un patient à circulation veineuse altérée ou à trouble péritonéal accompagné de lymphœdème, on associera des plantes agissant sur le système veineux, en particulier le marronnier d’Inde. En cas d’infection urinaire survenant sur la rétention urinaire, d’origine prostatique, on prescrit un mélange d’huile essentielle de gingembre, de cyprès, de Melaleuca alternifolia et de lavande vraie.
Le drainage de l’organisme se fera avec des plantes à tropisme urinaire et hépatobiliaire. Ainsi, on fera des cures de feuille d’artichaut, de piloselle ou d’orthosiphon.
Plantes utilisées pour la prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate
Fruit de Palmier de Floride (Serenoa repens Bartr.)
Les fruits mûres du palmier de Floride ont aisément apporté des preuves pour leur utilisation dans l’hypertrophie bénigne de la prostate améliorant les symptômes du patient tout en assurant une bonne sécurité d’emploi. Ces fruits agissent par l’inhibition de la 5α-réductase. Les acides gras et les stérols de cette plante sont capables d’inhiber de façon dose dépendante et non compétitive les deux iso formes de l’enzyme empêchant la formation de DHT mais aussi sa fixation aux récepteurs androgéniques cytosoliques des cellules prostatiques.
L’extrait des fruits du Serenoa repens est commercialisé sous forme d’une spécialité le Permixon® qui se révèle aussi efficace que le finastéride. La posologie est de 160 mg X 2 / jour avec un grand verre d’eau au moment des repas pour minorer les effets indésirables gastro-intestinaux. Les effets indésirables de fréquence 0,1% à 1% sont des nausées, une augmentation des enzymes hépatiques, un rash cutané et une gynécomastie réversible à l’arrêt du traitement.
Ecorce de Prunier d’Afrique (Prunus africana Kalkman.)
L’extrait lipidostérolique du prunier d’Afrique a largement fait ses preuves pour soulager les patients atteints d’hypertrophie bénigne de la prostate aux stades légers à modérés. Les extraits ont démontré leur nette supériorité face à l’abstention thérapeutique ou la simple surveillance. Cet extrait agit par son effet antiprolifératif sur les fibroplastes prostatiques sans interférer avec l’activité hormonale de la sphère génitale mâle.
Les doses couramment utilisées sont comprises entre 100 et 200 mg par voie orale. En France, la spécialité Tadenan® a obtenu son AMM en 1992 pour l’indication de traitement des troubles mictionnels modérés liés à l’hypertrophie bénigne de la prostate. Les effets indésirables sont rares et de faible gravité (nausées, diarrhées et constipation), hormis de rares cas d’urticaire ou de choc anaphylactique liés à la présence d’huile d’arachide comme excipient dans la forme galénique.
Racine d’Ortie dioïque (Urtica dioica L.)
De multiples preuves expérimentales existent pour attribuer aux racines de l’ortie dioïque la capacité d’inhiber certains processus physiopathologiques de l’hypertrophie bénigne de la prostate par inhibition de la 5α-réductase et de la Sex Hormone-Binding Globulin (SHBG), qui assurer le transport et le stockage de la DHT. Les essais cliniques ont démontré une efficacité de l’ortie et ses bénéfices chez les patients non compliqués au stade précoce ou modéré de l’hypertrophie bénigne de la prostate.
Les posologies actuellement conseillées dans sont de 4 à 6 g de racine en infusion ou de l’équivalence sous forme d’extraits. Les extraits d’ortie semble avoir une bonne sécurité d’emploi. En effet, les rares effets indésirables sont des troubles gastro-intestinaux bénins, des éruptions cutanées et enfin des troubles sexuels.
Graines de Courge (Cucurbita pepo L.)
L’utilisation des extraits ou d’huile de pépins de courge démontre un bénéfice thérapeutique supérieur au placebo dans la prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate légère à modérée. Au cours des différents essais cliniques réalisés jusqu’à ce jour, la symptomatologie se voit améliorée, en particulier les troubles mictionnels, optimisant ainsi la qualité de vie du patient. Leur efficacité clinique peut être expliquée par leur pouvoir anti-inflammatoire, antiprolifératif et une interaction avec le système androgénique.
Sur l’ensemble des essais réalisés, la tolérance des produits à base de pépins de courge est excellente. Ceux-ci n’occasionnant que des désordres gastro-intestinaux rares et mineurs, sans altération des fonctions sexuelles, ce qui améliore l’acceptation de ces produits. Des études restent cependant nécessaires pour préciser encore mieux les mécanismes d’actions pharmacologiques des graines de courges et optimiser les posologies.
Tubercule d’Hypoxis (Hypoxis rooperi T.Moore)
De nombreuses données scientifiques sont en faveur de l’utilisation des tubercules de l’Hypoxis rooperi dans l’hypertrophie bénigne de la prostate. Ces tubercules agissent grâce à leur richesse en β-sitostérol.
Le Harzol® est la première spécialité à base de Hypoxis utilisée pour traiter cette maladie. Il contient un mélange de phytostérols extraits de l’Hypoxis, principalement du β-sitostérol et son glycoside. Le Harzol® est prescrit à la dose de 60mg/j. Les effets indésirables recensés sont les troubles de l’érection, la baisse de la libido, la constipation et les nausées.
Pollen de fleurs de seigle (Secale cereale L.)
Le pollen de fleurs, récolté en Suisse ou en Suède, est transformé par digestion microbienne avec extraction par de l’eau et de l’acétone. L’association de 60 mg de fraction aqueuse et 20 mg de fraction
acétonique de l’extrait (contenant du β-sitostérol) compose la spécialité Cernilton® largement utilisée pour traiter l’hypertrophie bénigne de la prostate à la dose de 80 à 120 mg en deux à trois fois par jour.
Le pollen de fleurs de seigle agit par plusieurs mécanismes tels que la relaxation des fibres musculaires lisses du sphincter urétral par blocage des récepteurs α-adrénergiques, l’augmentation de la contraction du muscle vésical, l’augmentation de l’apoptose des cellules épithéliales de la prostate et l’inhibition de la 5α-réductase.
Partie aérienne d’épilobes (Epilobium angustifolium, Epilobium parviflorum et d’autres variétés)
L’épilobe a une action intéressante dans l’hypertrophie bénigne de la prostate. La partie aérienne de l’épilobe contient des flavonoïdes, des acides gras, des acides gallique et ellagique, ainsi que l’œnothéine (A et B). Les études scientifiques ont montré que l’œnothéine possède une activité anti-5α-réductase mais surtout un effet inhibiteur sur la prolifération des cellules prostatiques. Ces activités ne sont pas suffisamment fort d’où il ne faut pas utiliser l’épilobe seul mais l’associer à une plante majeur pour la prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate.
Associations de plantes pour la prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate
Les travaux récents semblent plutôt s’orienter vers l’étude des associations phytothérapiques synergiques plutôt que dans le renforcement de la connaissance dans chaque plante prise isolément.
Plusieurs spécialités qui associe plusieurs plantes médicinales pour le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate ont vu le jour. A titre d’exemple, on cite le Prostamin® qui contient des extraits secs de courge, de palmier de Floride, d’ortie dioïque et de prunier d’Afrique, en plus de la vitamine E, la vitamine B6 et le zinc.
Mesures hygiéno-diététiques pour la prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate
Le patient doit être éduqué, informé et rassuré sur le risque d’évolution de la pathologie. Certaines règles hygiéno-diététiques peuvent être instaurées, notamment : la réduction des apports hydriques après 18 heures, la diminution de la consommation de caféine et d’alcool, le traitement d’une constipation associée et enfin l’arrêt des traitements favorisant la dysurie (anticholinergiques, neuroleptiques…).
Références
1- P. Goetz. (2009). Phytothérapie de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Phytothérapie 7: 275–278.
2- DARCHY Ella. (2017). Place de la phytothérapie dans le traitement de l’Hypertrophie Bénigne de la Prostate. THESE EN VUE D’OBTENIR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE_Faculté de Pharmacie de Marseille.
3- Association française d’urologie. Item 123 – UE 5: HYPERTROPHIE BÉNIGNE DE LA PROSTATE